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Le Parc Humain comme paradigme de la biopolitique positiviste moderne

« Pourquoi être gouverneur ou sénateur
quand vous pouvez être roi de DISNEYLAND ? »
Walt Disney

Dans Le pouvoir souverain et la vie nue, Giorgio Agamben définit le champ comme le paradigme de la biopolitique moderne. Il y a une autre forme de se paradigme qui se joue à présent sans remplacer le paradigme d’écrit par Agamben, mais plutôt le complète. Nous pouvons implicitement constater l’autre versant de se paradigme par le prisme du Parc humain comme paradigme positiviste. Le plus que méprisable Peter Sloterdijk a eu au moins le mérite de percevoir la mise en conditions du parc humain. L’actuelle recomposition du corps social, l’acquiescement au contrat social n’est plus par un accord verbal, mais par un accord vaccinal. « La bioéconomie est indissociable de la biocitoyenneté, c’est-à-dire d’une nouvelle forme de citoyenneté centrée sur l’optimisation des potentialités biologiques et corporelles des individus » (Céline Lafontaine, La biocitoyenneté à l’ère du néolibéralisme). Rejoindre la biocitoyenneté est une expérience que beaucoup on fait, avec les regrets que l’on connaît. Ce qui se trame est la formation d’une nouvelle cité. Un nouveau parc humain en somme.

Le concept de biocratie n’est employé qu’au XIXe siècle sous la plume de Auguste Comte, pourtant son histoire remonte bien plus loin que le XIXe siècle. La Grèce antique est déjà porteuse de ce projet biocratique que cela soit le gouvernement démocratique athénienne ou le projet philopolitique de Platon d’une élite gouvernementale produisant une meilleure qualité des hommes. Cette racine s’étend au cours des siècles se liant à la métaphysique occidentale. Cette métaphysique peut se gargariser d’être le fondement de l’eugénisme moderne. Le grand philosophe Platon fonde l’esquisse du parc humain dans son dialogue intitulé Politique dans lequel il énumère les images du troupeau. La Politique est pour lui le maître de l’art pastoral. « Quant à la production et à l’élevage des êtres vivants, on peut y distinguer, d’une part, l’élevage individuel, et, de l’autre, les soins donnés en commun aux nourrissons dans les troupeaux » (Platon, Politique, p. 172). Gouverner est donc être le berger, être l’éleveur d’un troupeau. Ce que Platon fait dire à son étranger constitue le programme d’une société biocratique qui s’incarne dans un humaniste absolu et unique, le maître de l’art pastoral royal. La mission de ce biocitoyen ne serait autre que de planifier des qualités pour une élite qu’il faudrait spécialement élever au nom de la totalité. « Avec ce projet, Platon rend compte d’une inquiétude intellectuelle existant au sein du parc humain, inquiétude qui n’a plus jamais pu être totalement apaisée. Depuis le Poktikos et depuis la Politeia, il existe au monde des discours qui parlent de la communauté des hommes comme d’un parc zoologique qui est aussi un parc à thèmes ; le fait de tenir des hommes dans des parcs ou dans des villes apparaît désormais comme une mission relevant de la politique. » (Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, p. 45)

Plus tard, l’Empire romain contribue à l’élaboration un modèle de masse médias. « Pour ce qui concerne les influences bestialisantes, les Romains, avec leurs amphithéâtres, leurs massacres d’animaux dans les arènes, leurs combats à mort de gladiateurs et leurs exécutions-spectacles, avaient installé le réseau le plus réussi du monde antique en matière de masse médias » (Peter Sloterdijk, Règles pour le parc humain, p. 17). L’Empire romain a fourni à l’Occident moderne des matériaux précieux pour déterminer certains paradigmes de contrôle sur les corps. Les Romains avec un militarisme omniprésent, une industrie du divertissement fondée sur les jeux sanglants, nous rappelle un certain empire contemporain façonnant le monde depuis le début du XIXe siècle. Les États-Unis n’ont donc rien inventé, ils ont intrinsèquement repris de vieux modèles historiques pour les adapter à leur situation, à leur désir d’extension et leur volonté de gouvernance mondiale. Le déploiement technologique à permit d’étendre l’arraisonnement du monde, c’est-à-dire disposer d’un certain contrôle sur les corps, établir des dispositifs de contrôle permettant de rationaliser une façon de vivre et de piloter une forme de vie. Ainsi, le projet cybernétique est la réalisation d’un langage et une façon de concevoir l’esprit par ses dispositifs discursifs scientifiques et métaphoriques. Certain ont cru pouvoir conjurer l’arraisonnement du monde, refonder une nouvelle rationalité comme Adorno ou le mange-merde d’Habermas. Le mythe de l’opposition rationalité/irrationalité n’est qu’un élément d’une paralysie de la pensée pour éviter d’entrevoir d’autre condition de possibilité, une autre manière de se mouvoir dans le monde. Si le capitalisme a permis l’intensification du déploiement technologie, effectuant une planification de coercition par la pacification des âmes par les loisirs, ou ce que les flics de la sociologie appellent la société de loisir.

Les loisirs sont donc la condition matérielle de jouissance d’un type particulier d’humanité, celui du métropolitain des années 1920. La métropole est le lieu où s’exerce cette forme de vie de la fragilité jouissant sans « entrave ». De 1880 à 1911, Coney Island fut le théâtre d’expérimentation en tout genre par les différents types d’entrepreneurs et d’architectes avant d’importer leur paradigme à Manhattan. Coney Island passa de parc en parc, de loisir en loisir, de jouissance décapante jusqu’aux flammes de Luna Park. L’âge des machines pris par en face de ce parc gigantesque sur l’île de Manhattan. Cette île devient le symbole de la nouvelle forme de vie entre 1890 et 1940, inventant et expérimentant une forme de vie métropolitaine et une architecture qui lui correspond. La ville tout entière devient une usine de l’artificiel, le réel et le naturel cesse d’exister, le métropolitain habite un fantasme, celui d’un monde totalement fabriqué par Self-made-man. La forme de vie métropolitaine épouse le mensonge comme seule vérité objective existentiel. Le corps du métropolitain devient un objet modifiable à volonté tant que son banquier lui permet. L’architecture de Manhattan est le paradigme de l’exploitation de la densité, il faut combler le vide même de sa forme. La condition de l’existence du métropolitain est de circuler « librement » de parc en parc. « Dans les parcs municipaux, les parcs nationaux, les parcs cantonaux, les parcs écologiques, partout, les hommes sont forcés de se faire une opinion sur la manière de réguler la tenue qu’ils s’imposent à eux-mêmes » (Règles pour le parc humain, p. 45). La métropole porte bien son nom, elle est l’agencement gestionnaire des parcs. La métropole tente ainsi de rationaliser la vie par l’accumulation des parcs.

Le dernier niveau du parc humain est son déploiement militaire. Le projet Manhattan est comme la dernière attraction du parc. Le projet Manhattan n’a jamais eu le projet de vaincre le Nazisme, mais de vaincre les Soviétiques et de régner sur cette petite planète bleue. « Depuis l’été 1944, les politiques, les militaires et les scientifiques de haut niveau, à Los Alamos et ailleurs, savaient non seulement que l’arme atomique en cours de fabrication n’allait pas être lancée contre un IIIe Reich — qui en était la cible initiale — e, passe d’être totalement défait, mais qu’elle était destinée à assurer la suprématie globale des États-Unis vis-à-vis de l’Union soviétique et du reste du monde » (Jean-Marc Royer, Le monde comme projet Manhattan). Les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki signifient l’entrée dans la guerre froide, cette guerre qui ne s’est jamais terminée. Le projet Manhattan a façonné le monde sur les plans scientifique et militaro-industriel, réalisant la grande révolution en matière d’armement, mais pas seulement. Tous les sites composant ce projet de Oak Ridge à Honford en passant par Los Alamos pour ne citer qu’eux, sont des parcs humains secrets ou des villes usines pour certain. « Le projet Manhattan fut aussi le banc d’essai d’une nouvelle existence où cette aliénation totale le disputait à des distractions ayant pour objet de faire oublier l’absurdité radicale de cette vie : l’archétype de l’américain way of life en quelque sorte » (Jean-Marc Royer, Le monde comme projet Manhattan). L’avènement du projet Manhattan fut le changement paradigmatique du monde contemporain. Et continue de traverser le plan de perception des agences de gouvernementale aux GAFAM. Le projet Manhattan n’est plus contre l’Union soviétique, mais contre toute potentialité de s’extraire de ce Parc Humain.

Louis René

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