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Situation

Chasse à l’homme et gratte-papier

Un texte de Sebastian Lotzer
Le 26 février dernier a été arrêtée chez elle, à Kreuzberg (Berlin), Daniela Klette, que la police allemande recherchait depuis trente ans pour sa participation aux activités de la Fraction armée rouge dans les années 1990, et quelques braquages de survie. Il n’en a pas fallu plus pour ramener les médias allemands à leur vieux réflexe de chasse à l’ennemi intérieur, en se lançant à la poursuite de deux camarades encore en cavale de Daniela Klette, Ernst-Volker Staub et Burkhard Garweg. Ce qui apparaît ici spectaculairement comme un règlement de comptes avec le passé, comme une ultime vengeance contre une organisation disparue, figure plutôt le futur qui nous est réservé.

Comment tout a commencé

Un texte de Moses Dobruška
Le texte suivant est initialement paru en allemand à la mi-décembre 2023 dans le numéro 0 de la Neue Berliner Illustrierte Zeitung, journal de rue berlinois placardé sur les murs de la métropole, vendu par les clochards et en kiosque pour 2 euros. Il a été presque immédiatement traduit en espagnol, en anglais, en grec et certainement dans d’autres langues que nous ignorons. Il semble que l’état du débat public ait atteint en France un degré de raffinement, d’intelligence et d’exigence de vérité si élevé qu’il n’a jusqu’ici pas semblé utile d’y ajouter cette modeste pièce, en la traduisant, par exemple. La lucidité reste manifestement dans ce pays « la blessure la plus proche du soleil » – ce doit être pour cela que c’est finalement une revue de poésie, Pli, qui, dans son quinzième numéro désormais disponible en librairie, a pris l’initiative de la traduction, et non quelque organe à prétention politique ou philosophique. Bonne lecture !

L’empire du code. Sur les marchés radicaux et leur utilisation.

Un texte de Gerardo Muñoz
Je voudrais commencer cette intervention à partir d’un point très précis : la crise de légitimation du libéralisme dont certains identifient le début dans les années 1970, et que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de néolibéralisme, a facilité une sortie créative et fluctuante en termes de gouvernabilité. Comme Grégoire Chamayou l’a bien montré dans son important ouvrage La Société ingouvernable (2021), la crise de légitimité entre l’État et la société a été subordonnée à une série d’opérations qui ont rendu le régime d’ordre économique plus flexible au sein des organes institutionnels (c’est-à-dire qu’elles ont transformé les institutions en formes vicariantes pour le fonctionnement d’un nexus d’ordre concret, garantissant le modèle d’accumulation).

Une nationalisation de l’histoire

Un texte de Ammon Raz-Krakotzkin
Yeshurun fut l’un des poètes hébraïques marquants du XXe siècle et il eut un rôle important dans la constitution de la culture hébraïque israélienne, même si on le classe habituellement dans l’opposition – culturelle et poétique. Il a écrit ce texte en 1970, quarante-cinq ans après avoir émigré de Pologne. Il y fait le point sur lui-même tout en marquant son adhésion à la culture hébraïque israélienne dans laquelle l’individuel et le collectif se confondent.

Derrière le mur

Le 7 octobre dernier à l’aube, un événement vu le jour. Un choc a retenti, personne ne s’y attendait. Une multitude de brèches ont fissuré la frontière entre l’État d’Israël et la bande de Gaza. Les murs se sont vus percés sous les hurlements de joie. Cet événement sans précédent ne peut se réduire aux attaques du Hamas ni se réduire à l’injonction de choisir le parti d’une entité étatique ou d’une autre. Ceci révèle bien autre chose : il est toujours possible de mettre à mal l’Empire. L’armada technologique qu’est l’État d’Israël a failli face à des groupes militarisés et face à des groupes populaires, provoquant la répression atroce en cours.

Mémoire inondée : Démontrer, expérimenter

Un texte de Gabriel Bravo Soto
Dans le domaine politique, la gauche comme la droite veulent démontrer, avoir le dernier mot, donner l’interprétation la plus forte et l’explication qui réussit le mieux à enterrer le discours adverse, espérons-le pour toujours, en montrant leur supériorité morale respective et supposée, tout en homogénéisant le discours national dans une totalité fermée. Allende ici, Pinochet là ; démocratie, dictature, condamner ou ne pas condamner, les lois, la constitution, qu’ils ont commencé, qu’ils ont continué. De la boue pure.

Breaking the waves

Un texte de Nicolò Molinari
Ce texte, rédigé entre avril et mai 2023, tente d’aligner quelques raisonnements stratégiques à partir d’expériences de lutte récentes. Il ne s’agit pas d’un bilan, ni d’un ensemble d’indications normatives, mais d’une tentative de penser les stratégies des mouvements et les limites qu’ils rencontrent. Quelques mois plus tard, il est peut-être possible de réfléchir à certaines des limites de ce texte et d’essayer de tracer des pistes de recherche pour l’avenir.

La sound science et la Covid. Réponse à un article anticomplotiste.

Un texte de Guillaume Delaite
Où l’on découvrira comment la rhétorique anticomplotiste appartient à une véritable tradition de propagandistes : la sound science. Et comment cette propagande a pu irriguer tant de sphères intellectuelles en apparence si opposées. Petit exercice explicatif en réponse à un article de L’empaillé. Cette réponse a été refusée par sa rédaction.

L’universitas metapolitica, esquisse d’un chemin possible de désertion

Un texte d’Ezra Riquelme
La tâche centrale de la métaphysique qui vient est d’intensifier la désertion en cours, en la rapportant à un ensemble de liens entre métaphysique et forme de vie. L’époque réclame de notre part un peu de rigueur à tenir liés ensemble ces deux dimensions afin de bâtir les conditions nécessaires pour défaire l’économie, et d’éprouver largement le dépassement de l’inconstance que sont les sociétés, les collectifs, et les nations. La métaphysique qui vient s’annonce imprévisible et hardie, elle prend au sérieux la recherche de vérité. Il s’agit donc de partir d’une expérience du vrai, car le caractère de cette expérience correspond à la mise en relation entre une pensée et une vie. Mais comment parvenir à cette métaphysique qui vient et à esquisser un autre chemin que celui de la catastrophe ?

La part irréconciliable : de l’Appel au Manifeste conspirationniste

Un texte de Ezra Riquelme
Presque vingt ans d’écart séparent la publication de l’Appel de celle du Manifeste conspirationniste. Tous deux sont sortis en périodes de sclérose et d’impuissance, et leur ambition n’était pas moins que de rompre avec cette atonie généralisée et de partager une intelligibilité conspirative de l’époque. Il ne s’agit pas de convaincre, comme l’espère une certaine tradition critique, mais plutôt de toucher les évidences communes pour les renforcer.

Histoire de la vie (de la bombe atomique) : « Oppenheimer »

Un texte de Ricardo G. Viscardi
« Oppenheimer » donne non seulement son titre au film1, mais le patronyme désigne aussi la personne inhérente, comme condition de possibilité, à la fabrication de l’engin nucléaire (métonymie : un terme donne son sens à l’ensemble de l’expression). Mais une fois l’explosion nucléaire survenue, le même personnage devient partagé entre les alternatives politiques et les massacres humains qu’un certain « Oppenheimer » a été capable de déclencher, même doublement (scientifiquement et éthiquement).

Les alchimistes de la révolution : du Manifeste du parti communiste au Manifeste conspirationniste et inversement

Un texte de Hunter Bolin
Au printemps 1847, après de nombreuses pressions, Marx et Engels acceptent de rejoindre la Ligue des justes à une condition : que la Ligue exclue la pensée conspirationniste de son programme. Comme le dit Engels, « Moll a rapporté qu’ils étaient autant convaincus de la justesse générale de notre mode de pensée que de la nécessité de libérer la Ligue des vieilles traditions et formes conspiratrices »1. Marx, journaliste à l’époque, considère que son rôle social est d’éclairer son public et d’éliminer toute forme de conspiration ouvrière, à laquelle il n’a jamais pris part lui-même.

Bifurcation dans la civilisation du capital II.

Un texte de Mohand
Si le « point de vue de la révolution » a cru pouvoir déceler une possibilité subversive dans la reformulation écologique des problèmes produits par la communauté du capital, c’est parce que l’écologie politique revendiquait illusoirement partir depuis un ailleurs de l’économie. Cette illusion n’est pourtant pas dénuée d’effectivité. C’est pourquoi une partie de ceux qui tentent de maintenir une réalité à l’idée de révolution y succombe.

Le Manifeste conspirationniste ou l’insoutenable miroir de notre défaite

Un texte de Pascal Mathis
Cet engagement téméraire, d’autres devaient le tenir, courant janvier 2022, en publiant le Manifeste conspirationniste. Ce livre vaut mieux que le silence gêné que beaucoup lui opposent depuis plus de trois ans, car tout indique sa profonde sincérité. Il est des deuils si douloureux, souvent ceux d’un enfant, qu’ils conduisent les parents à des comportements ségrégés, à l’extérieur ils reçoivent naturellement les condoléances de leurs proches, ils vont se recueillir sur la tombe de celui qui jamais n’aurait dû les quitter, ils portent même des vêtements de deuil, mais une fois rentrés chez eux, ils entretiennent la chambre de leur enfant défunt comme s’il devait rentrer de l’école tout à l’heure, ils lui préparent même un bon goûter et le soir encore ils mettent son couvert. Ces parents endeuillés vivent ainsi, un temps durant, dans deux réalités ségrégées, l’une n’invalidant pas l’autre, la perte et le manque d’un côté, de l’autre la présence de l’être aimé. Il me semble que le Manifeste conspirationniste, tout animé d’un tel être au monde ségrégé, n’a pu être écrit que dans le terrible deuil qui nous frappe depuis trois ans, dans la douleur du manque de cette puissance minimale qui nous semblait acquise. Ceux qui ressentent une telle perte ont tout à gagner à poursuivre jusqu’à son terme la balade hallucinée que propose l’ouvrage.

Notes sur la vérité

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons de plus en plus de mal avec la vérité.
Confinés que nous sommes, dans nos vérités.
C’est bien que la vérité, aussi, est passée par le filtre du selfie.
Le moi, devient la maison du vrai.

Nul ne témoigne pour le témoin

Un texte de Parham Shahrjerdi

Abbas Derris, né en 1973 à Abadan en Iran, est un citoyen et ouvrier iranien. Il est l’un des manifestants au cours des révoltes populaires survenues en novembre 2019. Il a été témoin du massacre de Mahshahr où les gardiens de la Révolution ont eu recours aux armes de guerre et des mitrailleuses lourdes pour éliminer les protestants. Avec ses propres yeux, il a vu les meurtres commis par la République islamique d’Iran, et « seulement »pour cela, il a été condamné à mort. 

Soutenir la révolte

Une nouvelle fois, la police a volé une vie. La vidéo du meurtre de Nahel en a touché plus d’un, donnant lieu à un grand bouleversement des sensibilités. Réactivant la mémoire des atrocités policières. Face à cette horreur, la croyance en la justice et la reconnaissance de l’État a été balayée par l’émergence d’un bon sentiment, celui de la vengeance. Ce sentiment est partagé dans toute la France : de Nanterre à Marseille, en passant par Aulnay-sous-Bois, Lyon, Brest, la Guyane, et même la Belgique, la liste est longue. Se venger est devenu une nécessité.

Un entretien avec le journaliste Seymour Hersh

Un texte de Fabian Scheidler
Le 26 septembre 2022, le gazoduc Nord Stream reliant la Russie à l’Allemagne en mer Baltique a été en grande partie détruit par plusieurs explosions. Journaliste d’investigation de stature internationale, Seymour Hersh a publié un article détaillé sur la base d’une source anonyme qui affirme que le gouvernement américain était responsable de l’attaque et a bénéficié du concours des forces norvégiennes. Il revient sur cette enquête en interview.

Comment les États-Unis ont liquidé Nord Stream

Un texte de Seymour Hersh
Quand nous posons la question, « qui a bien pu saboter le pipeline ? », ce que nous interrogeons, c’est le régime de vérité. L’information est un drôle d’objet. Elle est libre et éclairée en Occident, tout autant que contrôlée et propagande chez les ennemis de la démocratie. C’est le grand partage entre le dicible et l’indicible. Entre ce qu’il est légitime d’interroger et ce qui ne saurait souffrir d’aucune contradiction. Ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons faire confiance à aucun d’entre eux.
C’est pour cela que l’enquête du journaliste américain Seymour Hersh nous paraît digne d’intérêt. N’ayant pas eu le droit de cité dans de prestigieux journaux américains auxquels elle était destinée, nous la reproduisons ici.

Constitutionnalisme et sens

Un texte de Gerardo Muñoz
Il a été dit à maintes reprises – dans le meilleur esprit hyperbolique, sans doute – que le Chili représente toujours, quel que soit l’angle sous lequel nous regardons, ce qui est à venir à notre époque. Le laboratoire chilien préfigure les mutations à venir et solidifie les tendances effectives des pouvoirs publics. Le cycle politique 2019-2023 n’est pas différent : il a commencé par la révolte expérimentale au cœur du centre métropolitain, et il a culminé avec une nouvelle scène constitutionnelle cherchant à remplacer la « constitución tramposa » désormais à la merci de ceux qui vouent une profonde admiration à l’État subsidiaire de la post-dictature.

Guerre, crise et anarchie

Un texte d’Emmeffe
En effet, on peut dire que nous assistons aux premières répercussions internes dans les économies occidentales, à qui la confrontation de l’OTAN avec la Russie en Ukraine inflige une importante augmentation des prix de matières premières et, par suite, un manque d’argent. Ceux qui, comme les anarchistes et les internationalistes, considèrent la défaite de leur propre pays comme l’occasion d’une intervention révolutionnaire se doivent d’examiner ces faits.

Préface à l’édition américaine du Manifeste conspirationniste

Un mois après la parution de ce Manifeste intervenait le spectaculaire saut qualitatif dans la guerre dont l’Ukraine est le hochet ensanglanté. C’est peu dire que la « nouvelle guerre froide », que certains firent mine de découvrir alors, est partout présente dans le Manifeste. À dire vrai, quiconque sait s’informer ne pouvait ignorer que, depuis des années déjà, le découplage stratégique des USA vis-à-vis de la Chine était en cours, que le réarmement général allait bon train, ainsi que les rumeurs de retour de la « guerre conventionnelle », que l’achèvement du pipeline Nord Stream 2 était pour Washington un casus belli à lui seul ou que l’OTAN fomentait le passage à la « guerre cognitive ».

Nuit d’émeute à Donges

Nous avons fait l’expérience de la communauté. Et je tâcherai d’utiliser les outils dont je dispose pour en rendre compte. C’est une nécessité. Nous ne sommes pas toutes et tous séparés du temps historique, nous ne vivons pas toutes et tous les événements par le prisme d’une représentation qui nous éloignerait d’une vie réellement vécue. Ce qui sera ici écrit ne sera pas séparé de ce qui aura été directement vécu. L’histoire individuelle est parfois le reflet d’une histoire commune dont les mots manquent pour qu’elle puisse être transmise et qu’ainsi le temps redevienne nôtre.

L’homélie sécuritaire

Un texte d’Henry Fleury
À l’image de chaque messe d’envergure mondiale, les Jeux olympiques de Paris en 2024 sont l’occasion d’homélies sécuritaires. Cette opération scélérate s’exprime dans de nombreuses politiques publiques plus crasses les unes que les autres. Comment ne pas s’émouvoir de la destruction des jardins partagés de quelques cités de banlieue ? Comment ne pas s’insurger contre la transformation de ces mêmes villes en paradis gentrifié pour classe dégueulasse ? Mais c’est l’avancée des grands projets sécuritaires qui incarne le mieux l’ambition fasciste que produit cette gouvernementalité. Plus qu’une simple opération de maintien de l’ordre, ce que provoquent ces événements est une bascule vers la sécurité globale.

Démocratie et infrastructurel du capital

Un texte d’Ezra Riquelme
Le passage en force du gouvernement Macron pour sa réforme des retraites a changé profondément la nature du conflit, mettant en avant une nouvelle fois la question épineuse de la démocratie. Pour autant, Macron a réussi à détourner l’attention du mouvement par l’amplification de la haine envers sa propre personne. Plus que jamais tout le monde le hait, il ne reste pas grand monde pour lui trouver un brin de sympathie. C’est une vérité éthique commune et généralisée. Néanmoins, cette vérité a perdu de sa puissance de rupture, prisonnière du piège conçu par le gouvernement.

Les communes face aux Empires

Un texte d’Owen Sleater
Sans conteste, la situation historique actuelle prépare une guerre entre deux empires, l’hégémonie mondiale en toile de fond. On retrouve d’un côté l’Empire anglo-saxon (États-Unis, Grande-Bretagne, EU), de l’autre l’Empire chinois (Chine, Russie). Ces deux entités sont en passe de changer l’état actuel des choses et de rajouter une strate d’horreur par le passage de la guerre froide au conflit ouvert.

De l’« inconscient » au monde

Un texte de Zibodandez & Alii
Les groupes se font et se défont. Un groupe n’est qu’une forme dont la durée d’existence est déterminée par la nécessité de son émergence – incommensurable, heureusement ! Car la durée d’existence d’un groupe est toujours singulière et dépend de sa propre expérience. Au gré de nos diverses itinérances – politiques ou non –, les groupes sont le nid des communautés terribles (Tiqqun). S’enfermer en groupe, c’est se fixer et voir l’identité prendre ses aises.

Le prêtre aztèque à l’Élysée

Un texte de Virgile dall’Armellina
« Est-ce que vous pensez que ça me fait plaisir de faire cette réforme ? » Ces mots, Emmanuel Macron les prononce face aux deux journalistes autorisés à se rendre au palais de l’Élysée pour l’interroger. Une fois n’est pas coutume, ils n’ont pas l’air d’être trop impressionnés par le chef de l’État. Conscients peut-être du niveau de colère de leurs auditeurs, ils entendent signifier qu’ils feront leur travail et poseront de vraies questions au Président.

La métropole est notre fantasme de l’État total

Un texte de Henry Fleury
Si nous connaissons tout le malheur que produit la métropole sur nous : l’aliénation, le contrôle, la discipline, la domestication, la pollution, et finalement l’impuissance généralisée, nous ne pouvons pas nous borner à penser la manière dont elle nous punit. Si elle existe, si tant d’entre nous s’y inscrivent, c’est nécessairement que nous la désirons, qu’elle active une certaine définition du bonheur, aussi horrible soit-elle.

La métropole ou la captivité du monde

Un texte de Gerardo Muñoz
Les soins préventifs en cas de pandémie ont révélé la face cachée d’une série de processus en cours que l’on ne voyait pas. Bien que nous ayons pu percevoir que nous ne vivions plus dans une ville, un regard capable de voir dans l’épais brouillard est devenu plus clair. Ce n’est que maintenant, dans notre proximité immobile, que nous pouvons réaliser tout ce dont nous n’étions pas capables : apprécier les braises dans la nuit du présent est aussi une manière de prêter attention non seulement à ce qui nous échappe, mais aussi à ce qui est, entre le sol et le ciel, en cours de décomposition.

Prendre d’autres chemins

Un texte de parents
À travers chaque mouvement social, nous avançons de défaite en défaite. Pourtant personne n’est dupe. La base sociale de croyance à la politique ou aux acquis sociaux est de plus en plus mince. La situation actuelle a ceci de particulier que plus nous bougeons pour défendre ces acquis sociaux, plus nous sommes pris au piège, rendus à la simple impuissance. Nos ennemis nous matent encore une fois.
Pourtant, nous pouvons prendre notre courage à deux mains. Certains l’ont déjà montré, il faut suivre leur exemple et essayer une nouvelle fois de changer le cours des choses

Échographie de la Police

Chaque nouveau mandat présidentiel s’accompagne de nouvelles réformes pour améliorer les conditions d’autonomisation de la police. Plus l’ordre social se fissure, plus la police augmente son nombre d’hommes et d’armes. Et plus son nombre augmente, plus son autonomie politique s’accentue. Quant à l’institution judiciaire, elle court après la police, dans l’espoir que la fiction sociale ne fissure pas davantage. « Seule une Fiction peut faire croire que les lois sont faites pour être respectées » (Michel Foucault, Des supplices aux cellules). C’est là que la police vient matérialiser cette fiction dont l’État a besoin pour s’établir comme phénomène naturel

Défaire la gauche

Un texte d’Ezra Riquelme
Dans le contexte actuel de saturation des possibilités des bifurcations, nous assistons encore une fois au retour de la gauche, cette entité crasseuse et morale qui cherche sans cesse à se recomposer et qui maintient sa vocation à paralyser le parti historique. Il faut voir la gauche comme un vaccin dont personne n’a besoin – sauf le pouvoir, c’est sans dire – et dont chaque dose diminue drastiquement le besoin de révolution. Ces dernières années ont rappelé cette évidence selon laquelle la gauche s’approprie et défait tous les gestes de soustraction à l’état des choses.

Metropolis

Un texte d’Owen Sleater
À force de vagabondage dans un monde étroit, on constate des flux de foules traversant ce qui semble être des rues. Pourtant, rien n’y habite franchement. Tout circule sans y vivre un attachement profond, et l’errance est la seule possibilité de passage. La métropole est comme un gigantesque décor entre musées et chantiers sans fin. Vivre n’a pas sa place en métropole, tout juste la survie, c’est la condition préalable de cette expérience de domesticité. La métropole s’étend partout un peu plus, élargit l’étendue du réseau où sévit perpétuellement l’économie. Les villes, les campagnes, les déserts, les forêts, chaque milieu est alors façonné selon les courbes épurées du projet métropolitain, pour ainsi être réduit à de simples pôles d’une sinistre cartographie de cette infrastructure impérialiste. La métropole est un environnement de mobilisation totale.

L’étudiant dans la nuit de la dépossession

Un texte de Gerardo Muñoz
Au printemps 2021, une image a largement circulé dans les journaux et a ouvert un point d’entrée dans notre époque : il s’agissait d’une image floue, plutôt pauvre et pixellisée, d’un étudiant espagnol nommé Carlos Alegre, assis dans un coin reculé d’une rue de Malaga, lisant son cahier d’école en attendant les commandes de livraison de nourriture de l’entreprise Glovo. L’image ne nous indique ni le temps ni le lieu, mais elle fournit spatialement un geste fondamental : la soustraction de l’attention de l’élève au mystère d’une temporalité subsumée par l’administration de l’échange de valeurs.

Qu’est-ce que l’Occident ?

Un texte d’Owen Sleater
Dans le contexte actuel, où tout le monde a pu s’apercevoir que la guerre froide n’a jamais pris fin, laissant libre cours aux conspirations des propriétaires de son monde, le mot Occident est énoncé maintes fois. Certains veulent sauver l’Occident tandis que d’autres veulent le détruire. Pourtant, au regard de la configuration actuelle du monde, tenue par les forces de la gouvernance mondiale divisée en deux blocs, l’opposition mise en place n’existe que dans le but de rendre tangible l’incarnation du pouvoir symbolique de la gouvernementalité mondiale.

La destruction constante de l’expérience

Un texte d’Ezra Riquelme
Il y a une chose qui se transmet de génération en génération, l’incapacité de vivre une expérience et de la partager. C’est le malheur que porte l’homme contemporain. Être dépossédé de son expérience, privé de son histoire, l’impossibilité chronique du partage de l’expérience avec d’autres. Rien de nouveau sous le soleil. Dès 1933, Walter Benjamin faisait ce constat accablant dans Expérience et pauvreté à propos de notre époque moderne

Langage et dispositif. Esquisse d’une destitution du langage présent

Le sujet, produit par la synthèse des dispositifs présents, toujours renouvelés, ressemblerait à un patient. Patient en cela qu’il ne cesserait d’attendre la prise en charge de sa souffrance, c’est un être souffrant, où le mot souffrir provient aussi du mot supporter. Ce sujet se supporte et supporte le dispositif qui le fait. Ce bloom 2.0, désormais appareillé, endure littéralement les temps qu’il traverse tant ces temps ne seront jamais faits pour lui, tant il en sera toujours maintenu à distance.

Mascolo, communisme, communication et vérité

Un texte de Louis René
Il y a des livres dont la densité de la forme et du contenu travaille l’esprit au fil des lectures, rendant presque impossible d’écrire sur, mais possible d’écrire avec. Le communisme de Mascolo est l’un de ces livres. Il prend comme point de départ la question la plus primordiale qui soit, la question du communisme. Pour cela, il faut être capable de saisir sensiblement cette question, ne plus partir de conditions économiques, sociales ou politiques, mais partir de la vie même, partir de l’éthique.

Silence et langage

Un texte d’Arante
Il y a eu un temps où la parole était seulement une possibilité parmi l’infinité des choses possibles. Sur la Terre quelques hominidés ont commencé à chanter comme les oiseaux. On chantait avant de parler. Et la parole a été un fleuve qui a tari un long silence. Un premier silence. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un nouveau silence.

L’auto-conservation du capital et l’horloge de l’apocalypse

Un texte d’Ezra Riquelme
En août dernier, une étude de la Banque HSBC prévoit une diminution drastique de la population mondiale pour 2100, soit la disparation de plus que 4 milliards d’êtres humains. Les causes que ce bureau d’étude nous balance pour justifier cette disparition de la moitié de l’humanité : la baisse du taux de natalité, le vieillissement de la population. L’annonce d’un tel scénario n’a pour véritable but que de maintenir une pression constante sur les esprits et les préparer à une intensification de l’horreur. Revoilà les années d’hiver !

La guerre atomique et la fin de l’humanité

Un texte de Giorgio Agamben
En 1958, Karl Jaspers publie sous le titre La Bombe atomique et l’avenir de l’humanité un livre dans lequel il cherche à remettre radicalement en question — comme le sous-titre l’indique – La conscience politique de notre époque. La bombe atomique, commence-t-il dans l’introduction, a produit une situation absolument nouvelle dans l’histoire de l’humanité, la confrontant une alternative inéluctable : « soit l’humanité entière sera physiquement détruite, soit l’homme devra transformer sa condition éthico-politique ». Si dans le passé, comme au début des communautés chrétiennes, les hommes se sont fait des « représentations irréelles » d’une fin du monde, aujourd’hui, pour la première fois de son histoire, l’humanité a la « possibilité réelle » de s’anéantir et d’anéantir toute vie sur Terre. Cette possibilité, même si les hommes ne semblent pas en avoir pleinement conscience, ne peut que marquer un nouveau départ pour la conscience politique et impliquer « un tournant dans toute l’histoire de l’humanité ».

La bonne conscience, cette pensée rassurante

La séquence sociale actuelle, après le mouvement des gilets jaunes et la crise du Covid qui ont dévoilé des brèches de la société, nous questionne quant à la place qu’occupent ou que cherchent à occuper les mouvements dits de l’« autonomie ».
Alors que l’inflation bat son plein et que les raffineries se mettent en grève, tandis que le gouvernement réquisitionne des grévistes et que la CGT et la gauche appellent à une grève générale pour l’augmentation des salaires, certains militants voient se profiler un « automne chaud ». S’il ne fait aucun doute que l’époque nous promet de nouvelles insurrections, nous nous posons des questions sur la pertinence à vouloir relancer le mouvement social.

Politique et événement

La politique est morte. Ce vieux constat n’a pas pris une ride. Pourtant en France au pays du social et du pouvoir. La politique dit « classique » plus personne n’y croit, même les hommes politiques, mais le problème est ailleurs. On a pu s’en rendre compte lors des dernières élections. Vu l’importance pour certains du vote antifasciste Mélenchon, la politique n’est pas morte pour tous. Les nombreuses publications de radicaux qui appellent à constituer une politique émancipatrice en témoignent. Pourtant l’histoire rappelle sans cesse qu’aucune politique n’a été émancipatrice, c’est tout le contraire qui s’est produit.

Pardonne-nous nos dettes

Un texte de Giorgio Agamben
La prière par excellence — celle que Jésus lui-même nous a dictée (« priez ainsi ») — contient un passage que notre temps s’efforce à tout prix de contredire et qu’il sera donc bon de rappeler, précisément aujourd’hui que tout semble être réduite à une loi féroce à double face : crédit/débit. Dimitte nobis debita nostra… « Et remets-nous nos dettes, comme nous aussi nous avons remis à nos débiteurs ». L’original grec est encore plus péremptoire : aphes emin ta opheilemata emon, « lâchez prise, effacez-nous nos dettes ». Réfléchissant sur ces mots en 1941, au milieu de la guerre mondiale, un grand juriste italien, Francesco Carnelutti, a observé que, si c’est une vérité du monde physique que ce qui s’est passé ne peut être effacé, on ne peut pas en dire autant du monde moral, qui se définit précisément à travers la possibilité de remettre et de pardonner.

La troisième guerre mondiale n’est pas encore terminée

Un texte de Giorgio Agamben
« Nous vivons une crise historique. Je crois que nous ne sommes pas encore au fond, pas même au milieu de cette crise. De plus en plus j’y pense. Je suis convaincu que le scénario culturel, intellectuel et politique n’a pas encore exprimé tout son potentiel. Nous devons nous considérer à la fin de la troisième guerre mondiale ». La guerre dont parlait Dossetti dans cette interview de 1993 était plus dévastatrice ou tout aussi dévastatrice que les deux autres, car elle n’a été menée que par le mal au nom du mal, entre des puissances également maléfiques, quoiqu’apparemment avec moins d’effusion de sang. Mais cette guerre, de toute évidence, n’est pas encore terminée, elle a pris d’autres formes et nous y sommes encore sans pouvoir en voir la fin.

Institution, une politique ecclésiastique

Un texte d’Ezra Riquelme
L’institution est une passion française. On la retrouve à toutes les sauces, que ce soit l’institution républicaine, révolutionnaire, anarchiste, ou même la psychothérapie institutionnelle. La France est le pays de l’institution. Même la Révolution est devenue une institution, qu’on peut exporter aux quatre coins du monde. Cette spécificité française est particulièrement tenace chez les gens cultivés, à force de docilité éducative dans les grands corps de l’État et les écoles supérieures, on ne cesse de rechercher des institutions partout. La passion qu’y vouent les Français est le signe évident de son assimilation totale au christianisme, même si ce pays s’en croit pourtant libéré. Il faut revenir en deçà, revenir sur son histoire, sur sa signification originelle pour cerner ses logiques internes et ses imbrications sur la matérialité de l’existence.

Le narcissisme, un Moi liquidateur

Un texte de Louis René
Le désastre continue inlassablement son ravage sur les formes de vie humaines et non-humaines, détruisant par la même occasion la matérialité de l’existence de pluralité de ces formes de vie. Le désastre n’est pas simplement le produit d’un système économique et politique d’exploitation, mais résulte d’une façon d’habiter le monde. La question révolutionnaire exige d’être aussi posée dans des termes anthropologiques. Car le désastre émane d’une forme de vie : celle de la vie métropolitaine occidentale qui vampirise la presque totalité de la planète, et espère en vampiriser d’autres. Il faut alors regarder dans ses entrailles pour y voir la texture de ce qui l’anime. Ce que l’on trouve de bien sordide est le narcissisme, ce Moi liquidateur animé par ce désir insatiable d’accaparement et de destruction.

Cette fiction nommée Société

Un texte d’Ezra Riquelme
Les images se font et se défont, et l’une des plus tenaces est celle de la société. Elle s’impose dès lors comme une fiction, comme une fiction policière. Écrire une fiction, puis l’effacer, ainsi la réécrire une nouvelle fois encore. Tel se constitue le geste de la société : être fait et refait. Dans cette fiction aux effets bien trop réels, la matrice essentielle tient dans le principe d’exclusion/inclusion. Pour intégrer ses proies, la société doit détruire toute hétérogénéité, établir un ordre, ordonner les corps par certaines conduites.

Néolibéralisme militaire

À l’heure où la guerre aux portes de l’Europe rentre de plus en plus dans l’insignifiance, il est toujours intéressant de voir les motifs qui expliquent une telle guerre. Par-delà les conceptions géopolitiques traditionnelles, qui ne sont pas par ailleurs forcément fausses, il y a toujours mille manières pour un État de justifier une guerre.

La mort et les profondeurs de l’angoisse

Un texte d’Ezra Riquelme
Sur les terres crépusculaires s’érige la mort comme une icône de l’angoisse même de la vie. Au Moyen-âge et jusqu’au XVIIIe siècle, la mort s’éprouvait dans la vie quotidienne, avec une certaine « familiarité ». On peut noter par exemple au IVe siècle la « danse des morts » comme l’occasion de réaffirmer la vie, ce que l’Église ne pouvait supporter. À la fin du XVIIIe siècle, la mort s’établit comme sujet d’horreur, les lieux liés aux morts sont dès lors vus comme des lieux de pestilence, de maléfices. Certains cimetières ont subi littéralement un déménagement hors des villes. Le romantisme a participé à un retour de l’exagération du sentiment du deuil, avec le rejet de la mort, de la disparition de l’autre. Ce qui explique qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, les lieux liés aux morts sont vénérés. L’arrivée de la médecine moderne transforme une nouvelle fois le rapport avec la mort.

À propos de « Manipulation et Extinction de l’Humanité », naturalité et espèce.

Un texte de Mohand
Dans son dernier article, Jacques Camatte s’oppose au naturalisme déterministe et scientiste que certains neurologues et psychologues attribuent au genre humain. Selon eux, le risque d’extinction de l’espèce n’est aucunement dû à la trame historique de la « catastrophe permanente », mais au fonctionnement de notre cerveau. Ce serait ainsi la « naturalité » même du genre homo sapiens qui serait la cause de sa possible destruction. À l’inverse, Camatte voit dans la « naturalité » le lieu même d’une libération de l’artificialité dont s’est rendue prisonnière l’espèce humaine. Se réconcilier avec la nature, y « retourner », apparaît pour lui comme l’unique moyen d’échapper à l’extinction promise.

Manipulation et Extinction de l’Humanité

Un texte de Jacques Camatte
L’instauration du risque d’extinction s’impose de plus en plus en provoquant de multiples débats. Ce qui nous importe c’est de connaître comment il est envisagé, qu’elle est la cause qui est invoquée pour expliquer son existence et le comportement qu’il induit. En ce qui concerne les instances dirigeantes pour qui gouverner c’est soigner et tranquilliser, il s’agit avant tout de gérer la catastrophe, de rassurer la population et d’inciter les gens à résister, à activer leur résilience face aux incertitudes, à se renforcer, à accepter de payer les conséquences, à avoir foi dans les élites ce qui revient à les inviter à plonger dans la dépendance, et donc à diminuer encore l’importance de leur naturalité. Ce, faisant à les rendre plus manipulables en les livrant à l’attente.

La vie contre la psychiatrie

Un texte de Zibodandez
À l’heure où la biopolitique parachève son emprise sur nos existences, la situation que connaît la psychiatrie nous apparaît être un cas paradigmatique : alors qu’elle prétend se désinstitutionnaliser, la psychiatrie – qu’il s’agisse de son institution et son en-dehors – n’a probablement jamais autant été à l’avant-garde de la biopolitique.

Les GAFAM et la conquête de la santé

On pourrait penser à tort que les GAFAM sont simplement de grands opportunistes. Ce serait sous-estimer les ambitions létales de ces entreprises. C’est bien connu, tout bon businessman se doit d’être un parfait stratège. La manigance est de mise, chaque plan est programmé sur le long terme. Ces plans comportent des stratagèmes jouant sur les dimensions du visible et de l’invisible. La communication est une guerre permanente, ses énoncés sont tromperie, ses effets sont le brouillard pour ses frappes, pour les opérations qu’elle mène. La séquence du Covid a précipité le bon déroulement de l’un des plans chers aux GAFAM, passer d’une étape à une autre.

L’autodéfense sanitaire, une biopolitique mineure

Un texte de Galipettes
Errance d’un fiasco, itinérance d’une inconsistance. Constat sur l’autodéfense sanitaire. Passe-temps abstrait pour métropolitains angoissés et impuissants devant l’évidence de la situation : leur mode de vie produit par le monde techno-militaro-industriel offre une vie fragile. L’épreuve de vivre une vie fragile, c’est subir l’inclinaison à l’ordre, être déterminé par ces ordonnances. Quand certains réclament : « Il faut défendre la fragilité ! », il faut comprendre « Il faut défendre la société ! ».

Interruption ! Vive le communisme !

L’œuvre de Walter Benjamin recèle une giberne d’interruption. L’interruption de l’histoire, du temps linéaire, du progrès. Il déploie une politique de l’interruption. Cette politique est traversée par son messianisme révolutionnaire, reprenant la mystique juive pour retrouver une puissance révolutionnaire capable de tenter sa chance dans la conflictualité de son époque.

L’ascèse communiste comme dépassement des formes sociales de la vie

Un texte de Louis René
La tragédie a poursuivi l’âme en peine de Georg Lukács. Son expérience de la sinistre et mortifère Première Guerre mondiale fut l’expérience de l’effondrement d’un monde, voyant la plupart de ses amis, de Max Weber à Emil Lask, prendre parti pour la guerre. « Défendre la société », tel était l’impératif catégorique pour en justifier l’horreur. Cette boucherie, lui révéla le véritable visage du social et de son emprise sur les êtres qui, pris dans cet orage d’acier, se voyaient transformés en tueurs sans âmes. Lukács comprit alors la voie à suivre pour sortir du pouvoir des structures sociales s’atteler au plan de réalité d’âme (Seelenwirklichkeit).

Communisme des âmes

Un texte de Louis René
Notre vie s’est formée dans une lutte singulière face à un monde, une aventure sinueuse, où les attentifs se sont pas seuls et où les mots ne sont plus lasses, mais inscrits dans la vie. Chaque forme du monde comme élément singulier traverse les âmes, et une relation s’établit qu’elle soit discrète ou non. Dans le lien d’ombres, où la conspiration est une mélodie qui lie les conspirateurs, cette mélodie laisse s’envoler un souffle animant leur âme. Un souffle particulier distinct des autres formes d’inspiration qui nous touchent, cette forme se nomme communisme.

Vérité sur les radicaux qui votent !

L’élection présidentielle a révélé le véritable visage d’une grande partie des milieux radicaux, anarchistes, autonomes et antifa. Eux, trop souvent catégorisés par l’insulte de gauchiste, sont aujourd’hui bien des gens de gauche. La répétition continuelle de la France Insoumise de se dire « prêt à gouverner » devrait être un repoussoir naturel à tous les révolutionnaires. Il n’en a rien été, l’enseignement de Saint-Just a sonné dans le vide. La révolution n’est qu’une question d’apparence pour eux. En réalité, tous les militants radicaux qui ont appelé à voter pour Mélenchon révèlent le caractère profondément creux de leur apparence radicale.

Tableaux sans cadre

Un texte d’IKS
On pourrait dire qu’on est allé pour voir. Un pote y participe, c’est tout. La vanité ne peut plus nous surprendre, alors on y va. On monte au Palais de Tokyo, dans le domaine de Paris. L’exposition s’appelle Réclamer la terre. Les textes d’écofeminisme et d’écologie politique sont sur une table basse. L’année 2022 est peut-être plus claire que les autres qui ont précédé la série.

Bifurcation dans la civilisation du capital

Un texte de Mohand
Il ne s’agit pas tant de suggérer que le capital peut aujourd’hui s’émanciper de l’humanité sur laquelle il extrait l’énergie nécessaire à sa production et à sa reproduction, mais de comprendre en quoi l’articulation d’une telle hypothèse avec le devenir catastrophique des conditions d’existence permet, peut-être, de ne pas tomber dans l’écueil d’une certaine « écologie politique » ; à savoir la généralisation et l’intensification du despotisme du capital et de la domestication de « l’humanité ».

L’écologie, économie contre la vie

Un texte d’Ezra Riquelme
Aujourd’hui, l’écologie politique a pris du poil de la bête. Devenant le dernier combat d’une jeunesse métropolisée cherchant à sauver le peu qu’il leur reste. L’écologie politique intègre le champ des luttes révolutionnaires. Cette lutte désigne une distinction avec le terme écosystème, l’écologie politique introduit la question de la finalité d’une régulation des cycles et des équilibres biologiques. Elle se perçoit comme une conscience de notre environnement. Admettant par le même geste notre interdépendance avec les écosystèmes, que nous détruisons. Le geste politique de cette écologie est la tentative de sauvegarder les écosystèmes.

Le Parc Humain comme paradigme de la biopolitique positiviste moderne

Un texte de Louis René
Dans Le pouvoir souverain et la vie nue, Agamben définit le champ comme le paradigme de la biopolitique moderne. Il y a une autre forme de ce paradigme qui se joue à présent sans remplacer le paradigme décrit par Agamben, mais plutôt en effet le complète. Nous pouvons implicitement constater l’autre versant de ce paradigme par le prisme du Parc humain comme paradigme positiviste. Le plus que méprisable Peter Sloterdijk a eu au moins le mérite de percevoir la mise en condition du parc humain. L’actuelle recomposition du corps social, l’acquiescement au contrat social ne se fait plus par un accord verbal, mais par un accord vaccinal. Rejoindre la biocitoyenneté est une expérience que beaucoup ont fait, avec les regrets que l’on connaît. Ce qui se trame est la formation d’une nouvelle cité. Un nouveau parc humain en somme.

De la liberté

La liberté est un mot qui fait horreur de nos jours. Souillé par le capital, par la modernité, oublié par les révolutionnaires et même par les libertaires. La liberté serait aujourd’hui une revendication d’extrême droite refusant de se soumettre à la vaccination de masse. Et pourtant la liberté a bien été reprise comme revendication minimale par les tentatives contre le pass sanitaire. Laissez le mot liberté serait une erreur grotesque et proclamerait la victoire de la pensée économique et démocratique sur ce terme.

Un désir de Chine

Un texte d’Ezra Riquelme
« Les devoirs passent avant les droits » nous sortait Gabriel Attal le 1er février 2022, insistant sur le ton que va prendre le futur mandat de Macron. Le bon berger avait déjà énoncé le 21 mai dernier : « Vous avez des devoirs avant d’avoir des droits » (Macron sur les sans-papiers). Décidément, c’est une obsession. Un désir de Chine croît chaque décennie dans l’esprit des gouvernements occidentaux depuis les années 2000. Tous les gouvernants ne rêvent que d’une chose la nuit : de la gouvernementalité chinoise. La séquence du Covid a produit sur les gouvernements une surintensification de ce désir de Chine. Tous regardent avec envie la fameuse réussite chinoise de la gestion de cette pandémie, tous se sont frotté les mains en voyant ces images de Chine, de confinement, de quarantaine, de délation, de répression. Une chose est sûre : la Chine n’est pas un exemple à suivre, mais bien le modèle à copier.

L’hiver rampant de la guerre froide

La guerre est de nouveau sur le vieux continent. L’invasion de l’Ukraine par la Russie démontre une vérité qui semblait lointaine aux yeux des Européens. La guerre n’a jamais cessé, elle continue son gel des possibilités historiques. Un livre sorti en ce début d’année a fait ce constat bien avant l’opération militaire du gouvernement russe.

Antifasciste et Anticonspirationiste dans tout leur état

Un texte de Saeba
L’impuissance de l’indignation s’étend face à la présence médiatique de l’ectoplasme fasciste. En France, cet ectoplasme a pris racine sur le despotisme démocratique toujours plus accru, sa démocratisation prit un peu plus d’ampleur au cours de ces dernières décennies grâce à la sphère médiatique dirigée par ses nombreux sympathisants. On ne peut séparer démocratie et fascisme, les deux sont liées, l’un est le corps l’autre est son ombre. La démocratie et le fascisme ne peuvent exister sans l’économie.

Démocratie Holocauste

Un texte d’Ezra Riquelme
La crise permanente de la démocratie est le symptôme de son despotisme paranoïaque. Il n’y a pas de crise de la forme démocratique. Les défenseurs de cette idée de crise tentent d’occulter le réel, ce qui se cache dernière ce rivage est tout bonnement les diverses tentatives de dislocation de la forme démocratique s’amplifiant d’année en année. La menace fasciste n’est pas une menace, elle est le moyen dont le dispositif démocratique tient. Quand le fascisme prend les rênes du pouvoir, il accomplit pleinement et simplement le despotisme autoritaire de la démocratie.

Thèses sur Tronti

Les mouvements sociaux n’ont pas été vaincus par le capitalisme. Les mouvements sociaux ont été vaincus par le social lui-même. Voici l’énoncé du problème que l’époque nous soumet. L’hypothèse de la construction d’un mouvement est dès lors caduque.

Lukács, une dynamique de l’âme et des formes

Un texte de Pideme La Luna
Dans la pénombre, les rayons de soleil se font de plus en plus rares, les structures sociales liquident toute joie, toute possibilité de vivre sans elles, réduisant la vie à une expérience de laboratoire. Face à la vie biomédicale régnante, les différents axes du parti de la biopolitique poursuivent leur processus, le premier étant déjà bien organisé mondialement, le second essayant de s’organiser localement se pensant naïvement être l’antagoniste du premier. Pourtant, le second n’est rien d’autre qu’une arme diffuse de plus du premier. C’est ici que György Lukács peut nous aider dans cette quête de perception sensitive. Retrouver un sens dynamique à notre âme confinée.

Le convoi de la liberté

Un retournement s’est exprimé ces derniers jours. La voiture, symbole de la modernité capitaliste, où le corps fusionne avec la machine, corps isolés et intégrés aux flux trouve enfin un usage révolutionnaire ! Elle retourne sa fonction dans l’appareillage capitaliste pour mieux le paralyser.

Écologie et pouvoir

La parution du Mémo sur la nouvelle classe écologique de Bruno Latour et Nikolaj Schultz mérite notre attention. A l’heure où une immensité des personnes entrent en rupture avec l’économie, celle-ci étant incompatible avec la vie, certains gurus de l’écologie politique, comme Andreas Malm ou Baptiste Morizot, en bons stratèges, posent les rails théoriques qui devraient mener l’écologie au pouvoir. C’est l’État qui pourra éviter la catastrophe, nous disent-ils. C’est pour rendre lisible ce mouvement que nous avons choisi de présenter chacune des dix sections du livre.

L’état d’exception à l’époque de sa reproductibilité technique

Un texte de Flavio Luzi
L’introduction du concept de risque dans la déclaration de l’état d’exception implique l’introduction de ce dernier dans la sphère de la probabilité et de l’indéterminé. Ce n’est toutefois rien de plus que son passage du cadre de la souveraineté et de l’exception à celui du gouvernement et de la régularité. Cela sanctionne non seulement l’échappement de l’état d’exception en dehors du jus publicum europaeum, mais aussi sa consécration définitive comme technique de gouvernement.

La métaphore de l’ennemi invisible

Un texte de Flavio Luzi
Avec tout le raffut médiatique de ces derniers mois, difficile d’avoir raté la tendance répandue dans la classe dirigeante, et l’opinion publique, à recourir au lexique militaire quand il s’agit de se référer à la situation déclenchée par la diffusion du COVID-19 : l’épidémie — ou plutôt la pandémie — ne serait rien de moins qu’une « guerre » impliquant toute la planète. Le point de départ de la pensée biomédicale moderne résiderait justement dans cette désignation métaphorique, non plus de la maladie en tant que telle, prise de façon générique, mais d’organismes pathogènes particuliers, visibles à l’aide d’instruments comme le microscope. Mais quel genre de guerre peut être une guerre contre un virus ?

Comité invisible,« Beau comme une insurrection impure »

Un texte de passeurs franco-italiens
Le texte qui suit forme la préface à l’édition italienne des trois premiers livres du Comité invisible réunis en un volume, publiée en février 2019. Si cette préface a connu à ce jour des traductions en plusieurs langues, il n’en existait curieusement aucune version française. La voici enfin. Son actualité n’échappera à personne.

Politique conspirative

Un texte de Mischka
Ce que nous vivons depuis deux ans déjà avec le covid montre notre capacité d’adhésion envers le mensonge. Si le virus existe bel et bien, la gouvernementalité mondiale et ses amis industriels, eux aussi existent bel et bien. Leurs intérêts n’ont jamais été notre santé. Chaque gouvernement a le devoir de tenir sa population en laisse, quant à l’industrie pharmaceutique, elle a le devoir de générer un maximum de profit à leurs actionnaires. Si cette période a vu fleurir le grand retour du conspirationnisme.

Spleen conpiratif

Nous vivons dans l’une des époques les plus oppressives qui soit, nous le savons tous. Nous sommes sous le règne absolu du capitalisme et de tous ses ravages évidemment, sous le règne absolu de la démocratie et de son totalitarisme évidemment, sous le règne absolu des outils et des techniques de propagande évidemment, sous le règne absolu des dispositifs de contrôle de plus en plus nombreux évidemment. Jamais nous n’avons été autant en proie à l’aliénation qu’aujourd’hui.

Discours à la conférence des étudiants vénitiens contre le pass vert, le 11 novembre 2021 à Ca’ Sagredo

Un texte de Giorgio Agamben
Je voudrais reprendre, pour commencer, certains points que j’avais essayé de mettre au clair il y a quelques jours pour chercher à définir la transformation sous-jacente, mais pas pour autant moins radicale, qui est en train d’arriver sous nos yeux. Je crois que nous devons tout d’abord nous rendre compte que l’ordre juridique et politique dans lequel nous croyions alors vivre a complètement changé. L’opérateur de cette transformation a été, de toute évidence, cette zone d’indifférence entre le droit et la politique qu’est l’état d’urgence.

Une communauté dans la société

Un texte de Giorgio Agamben
L’Italie, comme laboratoire politique de l’Occident dans lequel s’élaborent à l’avance dans leurs formes extrêmes les stratégies des pouvoirs dominants, est aujourd’hui un pays humainement et politiquement en ruine, dans lequel une tyrannie sans scrupules et prête à tout s’est alliée à une masse en proie à une terreur pseudoreligieuse, prête à sacrifier non seulement ce qui s’appelait en un temps les libertés constitutionnelles, mais même toute chaleur dans les relations humaines.

Deux noms

Un texte de Giorgio Agamben
Deux noms à retenir : Alessandro La Fortezza, Andrea Camperio Ciani. Ces deux enseignants sont prêts à démissionner de leurs charges enseignement, car ils rejettent le green pass comme instrument de discrimination sociale. Voici quelques mots qu’ils ont écrits, le premier dans une lettre ouverte à ses élèves, le second dans sa lettre de démission au recteur de l’université où il enseigne.

Hommes et lemmings 

Un texte de Giorgio Agamben
Les lemmings sont de petits rongeurs, d’environ 15 centimètres de long, qui vivent dans les toundras de l’Europe et de l’Asie septentrionale. Cette espèce a la particularité d’entreprendre subitement sans aucune motivation apparente des migrations collectives qui se terminent dans un suicide collectif dans les eaux de la mer. L’énigme que ce comportement a posée aux zoologistes est si singulière qu’après plusieurs tentatives de fournir des explications qui se sont avérées si insuffisantes, qu’ils ont préféré les oublier. Mais l’un des esprits les plus lucides du vingtième siècle, Primo Levi a remis en question le phénomène et en a fourni une interprétation convaincante.

Lettre d’un anti-vaxx

Un texte d’un anti-vaxx
Comme on le sait si bien le fondement de l’État est de désigner des coupables. Nous autres non-vaccinés, nous sommes donc les coupables de cette funeste farce. Nous sommes les coupables de cette pandémie et de ses variants. Nous sommes coupables des causes de cette pandémie, coupable de l’élevage intensif, coupable de l’agriculture industrielle et de ses pesticides, coupables de la déforestation, coupables du réchauffement climatique, coupables de l’exploitation des énergies fossiles, coupables de tous les maux de ce vieux monde. Coupables d’emmerder le gouvernement

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